Avec Paule Maréchal et Thérèse Roesch
Présentation de Paule :
J’ai 86 ans. J’étais directrice d’école primaire et j’ai effectué la presque totalité de mon enseignement dans un milieu défavorisé. Cela me plaisait beaucoup car c’était pour les enfants un excellent moyen d’apprendre la tolérance et d’accepter l’autre dans sa différence.
En 1984 je suis entrée dans l’association Art’as créée par Bernard Montaud. Cela a été une rencontre déterminante dans ma vie. Chacun de nous a des épreuves particulières. Les miennes font entrer en jeu la solitude. J’y ai notamment été confrontée au début de ma carrière, nommée dans un village perdu de l’Oisans où je n’ai pas réussi à parler aux 40 habitants en une année scolaire. Puis à la retraite quand je suis allée vivre pendant 15 mois dans une région où je ne connaissais personne.
Sans conjoint, sans enfants, sans amis, j’ai dû trouver les moyens de vivre ma solitude. Et là j’ai compris que mes épreuves étaient celles de la vieillesse et que les solutions trouvées pouvaient être utiles à cet âge.
En 2011 j’ai créé une maison communautaire pour personnes âgées où nous vivons à cinq une vieillesse active et chaleureuse.
Myriam : Quelle est la spécificité de votre communauté ?
Paule : Notre maison communautaire est une maison pour personnes âgées.
Toutes retraitées, nous avons choisi de vivre ensemble pour expérimenter les meilleures conditions de bien vieillir. Convenir que nous vieillissons nous donne accès aux bénéfices que nous offre cet âge et lui redonne toute sa place dans notre existence.
Jouer avec nos limites, déguster de nouveaux plaisirs, nous permet par notre choix personnel d’accéder à une nouvelle intensité.
Nous avons aussi l’envie de vivre une humanité de services et de partages, de consommer moins et de vivre une vieillesse spirituelle.
A l’heure où la vie devient difficile nous remercions d’être dans cette expérience et nous pensons que ces maisons de partage sont une solution pour l’avenir
Présentation de Thérèse
J’étais secrétaire de direction trilingue, et quand mon mari a crée son cabinet dentaire j’ai été sa secrétaire/assistante jusqu’à la naissance de notre premier fils, pour l’élever. Puis deux autres enfants sont venus agrandir la famille. A Pont de beauvoisin où nous habitions, avec un ami nous avons fondé une association pour apprendre aux enfants à skier.. plus de 300 enfants en ont bénéficié. C’était la plus importante association locale.
Puis vers quarante ans avec mon mari nous nous posions des questions sur le sens de notre vie. Après quelques recherches nous avons adhéré à l’école de vie intérieure Artas. J’ai eu envie de faire connaitre cet enseignement spirituel reçu. Et j’ai organisé la promotion des livres du fondateur en organisant des conférences. J’ai acquis de l’audace : pour moi cette responsabilité a été un réel dépassement. Puis j’ai créé une maison d’édition pour rassembler les livres du fondateur et de ses collaborateurs. Et en 2011 nous avons fondé avec mon mari une revue d’espérance REFLETS. Aujourd’hui j’ai 76 ans.
Myriam : avez-vous fait des rencontres importantes ?
Oui deux rencontres importantes :
Comme pour Paule, Bernard Montaud. Il m’a toujours encouragé à aller vers mon impossible. J’ai appris à profiter plutôt que de subir les instants où je n’étais pas bien. OUI Toutes ces années de pratique et d’enseignement ont sauvé mon couple et le plus important j’ai retrouvé Foi en la vie.
Et Gitta Mallasz car lorsque je l’ai rencontré pour la première fois en 1986 à Grenoble je me suis dit : je veux être comme elle, pétillante pleine de vie qu’elle lorsque j’aurai son âge » Et j’ai eu la chance de la voir très souvent lorsqu’elle habitait Tartaras. Je dirais qu’elle portait plus mes problèmes que moi-même. Elle m’a beaucoup aidé. Et puis j’aimais son humour.
Myriam : Après cette présentation passons au cœur du sujet de l’émission. C’est quoi pour vous la vieillesse ?
PAULE : Pour bien situer la vieillesse faisons un petit tour d’horizon sur ce que propose la vie.
En fait la vie comprend 7 âges différents avec chacun ses caractéristiques et ses enjeux particuliers.
La vie intra-utérine (formation d’un corps - un corps qui se construit) la petite enfance ( nous apprenons à marcher et à parler) l’enfance (apprentissage de la vie sociale, vivre avec les autres) l’adolescence (découverte de l’autre sexe) la vie adulte et ses 3 réussites professionnelle, sociale et affective) l’âge mûr et la vieillesse.
La vieillesse est un véritable tournant dans la vie. Alors que tous les âges précédents sont tournés vers la vie extérieure, la vieillesse, elle, est centrée sur la vie intérieure. Plus rien n’est imposé, c’est nous qui choisissons nos nouvelles activités (les obligations facultatives !)
C’est l’âge de la dégustation, de la découverte du plus infime de la vie. C’est un âge sacré. Celui où on se retourne vers les images inspirées (religieuses ou spirituelles) qui nous guident vers une vie nouvelle.
C’est un âge de recul sur la vie. Mais ce recul n’est pas rupture mais il peut être au contraire communion. (Ex. le coucher de soleil)
C’est aussi l’âge des pertes qui rétrécissent de plus en plus les limites extérieures et il faut apprendre une nouvelle façon de vivre tournée vers les activités intérieures.
Ces pertes ne sont pas punition mais invitation à gagner d’autres choses en jouant au fabuleux jeu de la vieillesse : le qui perd/gagne. Nous en reparlerons plus tard.
Thérèse : Oui c’est un âge où nous avons tout à apprendre comme une autre terre à explorer, à conquérir
En fait nous constatons que c’est à ce moment que les gens se lancent dans activités qu’ils n’ont pas eu le temps de vivre pendant les années de travail (voyages, sport, stage bien être etc..). Ou bien certains se consacrent à des associations humanitaires. Et il y a aussi ceux qui constatant qu’ils ne sont plus rien, dépriment.
Myriam : Pourquoi les gens ont –ils si peur de vieillir ?
Thérèse Je ne dirais pas peur de vieillir mais peur de mourir. Il faut trouver le sens de la vieillesse qui nous incite à vivre certaines choses pour tenter de mourir dans la paix.
Comme le disait Paule nous avons à vivre 7 sept pertes au temps de la retraite.
Myriam : quelles sont elles et que vous apprennent-elles ?
Paule :
· La fin de la beauté extérieure qui nous invite à la beauté intérieure miséricordieuse.
· La fin de la vie active, pour retrouver la vie active intérieure, les 3 services : familial, humanitaire, spirituel.
· La fin de la sexualité (abandonner le jouir pour se réjouir (prier, aller à la messe, remercier),
· La fin de la bonne santé, pour apprendre la tendresse envers soi, l’attention au corps qui diminue la souffrance.
· La perte de la mémoire, seul moyen de vivre dans le présent.
· Progressif confinement. On va de moins en moins loin. Un jour, on ne sortira pas du lit, pour que la vie intérieure prenne toute la place.
· La famille s’éloigne. C’est la famille spirituelle, les communautés, qui vont la remplacer, avec une pratique spirituelle et religieuse commune.
Sept choses que je ne peux plus faire, sept choses nouvelles qui vont les remplacer. Jouer avec nos limites, déguster de nouveaux plaisirs, nous permet par notre choix personnel d’accéder à une nouvelle intensité. Si le monde extérieur se rétrécit, le cœur s’agrandit.
Myriam : pourriez-vous en dire plus pour chacun de ces problèmes que vous soulevez ?
Paule : Oh OUI…le jeu du qui perd gagne…chaque fois que l’on perd quelque chose extérieurement chercher ce que l’on gagne intérieurement.
En fait pour chacun d’eux c’est un autre espace à explorer. Prenons la disgrâce du corps. Et si au lieu de s’intéresser à l’aspect extérieur du corps, nous étions importants par la chaleur intérieure : comme celle de pouvoir accueillir, sourire, être contagieux de bonne vie. C’est un apprentissage vers encore plus d’amour et de tendresse non seulement vers nous mais vers tout ce qui nous entoure : les animaux, les arbres, les êtres etc Exemple : les rencontres éphémères au super marché, en promenade avec sourires et mots chaleureux.
Thérèse Quant à la perte de la sexualité : avec l’âge elle devient une nouvelle tendresse à vivre. Et si vous saviez comme c’est bon cette tendresse que nous nous portons et que nous portons aux autres.
Dans un couple la tendresse c’est la nouvelle réjouissance. C’est une autre attitude l’un envers l’autre, une autre attention fine et délicate. Seul celui qui vit cette tendresse le sait. Pas besoin de la clamer sur tous les toits.
Et comment profiter de tous ces problèmes de santé auxquels nous sommes confrontés. C’est le moment où nous passons beaucoup de temps dans les salles d’attente (entre nous ce lieu porte bien son nom « attendre) : chez le docteur, à l’hôpital etc..soit on gémit soit on sourit à ce qui nous arrive. Et dans ce temps il s’avère que nous avons toujours quelque chose à vivre.
Tenez par exemple, j’étais dernièrement chez le cardiologue .. et bien dans la salle d’attente.. j’en ai profité pour prier pour un certain nombre de mes amis disparus évoquant des instants précis avec chacun d’eux. Je n’ai pas vu le temps passer.
Et pour la fatigue croissante : Nous avons à chercher le non effort, apprendre à s’écouter et cela donne un nouveau rythme
Exemple Thérèse j’adore nager, notamment le crawl. Ce jour-là sur la place de Bormes les mimosas, quand je me suis retrouvée à 600 mètres de la côte, essoufflée sans pouvoir bouger ou crier, j’ai cru que je ne pourrais plus regagner la côte. C’était 7h du matin et il n’y avait personne sur la plage. J’avais une tachycardie importante. Alors intérieurement je me suis dit : quand même nager comme à trente ans n’est plus de ton âge. Conviens-en.
Alors j’ai dit oui à ce qui m’arrivait Oui je vieillis. Et je me suis mise sur le dos pour faire la planche, sans bouger et j’ai ouvert mes mains. Et j’ai remercié : merci de m’apprendre à être plus à l’écoute de mon corps plutôt que de jouer la jeune.. et je me suis mise en route tout doucement sur le dos pour regagner la rive. On acquiert de l’écoute, de la tendresse et de bien vivre l’instant présent.
Paule : Pour ma part, en ce moment je perds de l’énergie alors je vais me promener dans un très beau parc de mon village, parc où il y a des bancs ; dans ma promenade, je m’assois sur un banc et je passe un moment de dégustation : beauté végétale, animaux, rencontres. Et j’en reviens le cœur en fête.
Pour ce qui est de solitude. J’ai appris à déguster tous les petits bonheurs que nous offre la vie et que nous ne voyons souvent pas. Les rechercher, les débusquer leur donne beaucoup plus d’importance. Et cette recherche installe en moi une joie paisible. J’ai fait cet apprentissage à une période de la vie où j’étais dans une très grande solitude et cette recherche m’a amenée à vivre de belles expériences. Je l’ai appelée le chemin des petits bonheurs.
Tous les problèmes sont une invitation à se tourner vers une solution intérieure pour mettre de la vie …
Tout ce qui nous arrive est l’occasion de retrouver une nouvelle importance et surtout de choisir le sourire et non de grogner quand nous sommes face à des altérations de nos fonctions vitales. Là aussi nous sommes dans la conquête d’une nouvelle tendresse pour soi et les autres.
Myriam : C’est cela cette nouvelle terre ?
Thérèse OUI ET OUI. Et je rajouterai combien il est important de dire OUI à ce qui est. Combien il est important avant toute chose d’accepter ce qui nous arrive. Sans cela nous devenons grincheux.
Convenir que nous vieillissons donne toute sa place à cet âge. Nous sommes libres car nous n’avons plus rien à prouver.
Plus rien n’est obligatoire on acquière une liberté. Nous avons la responsabilité de choisir ce que l’on veut faire. Si on ne fait rien on tombe dans la déprime. Personne ne nous les impose c’est nous qui choisissons ce que nous avons envie de vivre, et vivre à cet âge c’est aller à l’essentiel.
Paule : on perd extérieurement mais on gagne intérieurement.
On perd la jouissance alors nous allons vers la réjouissance c’est-à-dire un plaisir intérieur : Une autre sexualité : celle de la tendresse
La fatigue : nous allons vers le non effort. On gagne en amour pour soi.. on diminue l’effort, on le fait autrement.
Solitude et mise à l’écart : alors on se tourne vers les autres : comme c’est bon de servir autrui. Exemple de Paule dans les maisons de retraite : le livre de vie.
Exemple Thérèse je suis tellement touchée par cet âge, par mes amis en mal de vieillir et par ce que j’ai pu voir dans certaines maisons de retraite, que je propose des rencontres/partage sur cet âge où tout est à réinventer car tout est facultatif. Nous échangeons, nous partageons ce que nous vivons. J’ai mis en place aussi une pratique qui donne du sacré à ces rencontres. Je retransmets à ma façon l’enseignement que j’ai reçu. Et bien sûr nous terminons toujours par un temps convivial. De plus nous avons une solidarité entre nous très importante, nous sommes attentionnées les uns envers les autres en dehors de nos rencontres.
Paule :.
Ainsi nous grandissons en tolérance, nous dégustons le silence et on gagne le sourire avec les mains ouvertes. les mains qui acceptent ce que nous devenons.
En résumé je dirai : la vieillesse est faite pour aimer
· S’intéresser vraiment à une partie souffrante du corps peut faire disparaître la douleur.
· Faire du plus petit une nourriture essentielle : les petits bonheurs
· Remercier pour tout ce que la vie nous donne et que nous ne voyons pas.
· Les images inspirées nourriture de la vieillesse.
Myriam : ce sera le sujet de la prochaine émission !
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